BIOGRAPHIE

Emma Reyes, artiste peintre, née à Bogota en 1919, décédée à Bordeaux en 2003.

Emma Reyes a été un maillon important au sein de la communauté colombienne à Paris. La "mama grande" comme la surnommaient tous ces jeunes artistes colombiens, tous ceux qui débarquant, du milieu des années 60 jusqu'à la fin des années 80, de leur lointaine Amérique, se sentaient perdus sur les berges de la Seine. Amphytrion maternant, Emma accueillait, guidait, conseillait tous ces jeunes migrants de l'art.

Ça, c'est sans doute la partie de la vie d'Emma que tout le monde connait le mieux ; son exubérance joyeuse et contagieuse, sa capacité à raconter des histoires, la sienne et tant d'autres. Mais parfois ce que sa jovialité faisait oublier c'était le coeur de sa vie, la raison d'être de son existence, ce qu'elle faisait chaque jour sans exception dans le secret de son atelier: peindre, dessiner, créer.... Du jour où à Buenos Aires, elle se met à la peinture, en autodidacte, elle n'arrêtera plus jamais. En 1947 elle remporte le concours Roncoroni et s'envole pour Paris. Sur le bateau elle rencontre deux personnalités qui l'accompagneront tout au long de sa vie: le peintre Alejo Vidal-Quadras et Jean Perromat, alors médecin sur les transatlantiques, qui deviendra son mari quelques années plus tard.

Une fois à Paris elle assiste à quelques séances de dessin à l'Académie Lhote, mais ce dernier lui conseille d'aller plutôt étudier les Primitifs au Louvre et d'essayer de garder la spécificité de sa culture, la particularité de son trait. Cette leçon elle ne l'oubliera jamais!

Sa première exposition à la galerie Kleber en 1949 présente 54 de ses œuvres, toutes inspirées, empreintes des couleurs et des images persistantes de cette Amérique Latine qu'elle vient de quitter: scènes de marchés, scènes familiales, portraits d'hommes et de femmes à la manières des muralistes mexicains (qu'elle n'a pas encore croisés).

Qu'Emma travaille, de 1950 à 1952, pour le département culturel de l'Unesco à Washington, à l'illustration de publications de la Bibliothèque Populaire d'Amérique Latine, puis à Mexico où elle participera à une exposition aux côtés de Diego Rivera et de José Clemente Orozco , dans la galerie de la célèbre photographe Lola Álvarez Bravo ; qu'elle se trouve, en 1955, à Rome aux côtés d'Enrico Prampolini, fréquentant tout ce que l'Italie des années 50 faisait de mieux en matière de création, qu'elle aille en Israël à Ein-Hod et Jérusalem, puis retourne en France au début des années 60, Emma a toujours gardé sa faconde colombienne, ses racines andines et un désir irrépressible de donner vie à ce qu'elle représente, d'animer ses toiles.

La force, la violence des couleurs, le déploiement arachnéen des formes, cette ligne qui sinue, cette ligne qui relie les sujets, les choses, les animaux, les plantes les uns aux autres, cette ligne qui s'accroche à la toile, qui ne laisse pas beaucoup d'espace vide c'est l'Amérique Latine - ses églises surchargées, ses marchés grouillants, ses forêts luxuriantes où la présence de l'homme est toujours palpable. Toutes ses œuvres sont faites de cette même trame picturale dense, comme si l'homme et la nature, dans un compagnonnage immémorial, échangeaient, partageaient la même matière, comme si tout était tressé dans un même tissu primordial.